«Nous devons faire disparaître le scepticisme sur la cuisine bien-être», Thierry Galais, professeur de cuisine, Pontivy (3/3)

Dans nos derniers articles, Thierry Galais nous présentait la mention complémentaire « Art de la cuisine allégée« , qu’il a mise en place au lycée hôtelier Jean d’Arc Saint Ivy de Pontivy, avant de rendre hommage à Patrick Burger, pionnier de la cuisine bien-être en thalassothérapie.

Aujourd’hui, il nous explique ce qui est pour lui le plus difficile à enseigner en matière de cuisine santé et allégée.

Thierry GalaisA gauche : Thierry Galais, à Brides-les-Bains.

«Je crois que la chose la plus difficile à enseigner, c’est la cuisson, la maîtrise du feu. Nous n’utilisons pas de matières grasses, qui permettent de saisir, de récupérer les sucs, source de jus. Nous travaillons les cuissons en démarrant à froid, en montant doucement à température, et nous élaborons les jus et les sauces en même temps que la cuisson. Une fois la viande arrivée à juste cuisson, pas besoin de la laisser reposer ; le jus doit donc être prêt en même temps que la cuisson.

Ce qui est également compliqué à maîtriser, c’est le travail des produits uniquement pendant leur saison. C’est une contrainte indispensable pour produire une cuisine allégée et savoureuse. Un abricot par exemple, s’il est parfaitement à point, n’a besoin d’aucun ajout, d’aucun apport de sucre pour être travaillé. Nous essayons de valoriser ce que peuvent donner les fruits et légumes produits en saison et mûris naturellement.

Notre objectif, et cela peut être difficile, c’est de faire comprendre aux élèves qui viennent de restaurants gastronomiques que nous pouvons réaliser une cuisine goûteuse et gourmande sans matières grasses. Nous devons faire disparaître leur scepticisme sur la cuisine bien-être. Je leur démontre que techniquement, il est possible faire une cuisine savoureuse et allégée. Cela passe par une connaissance parfaite de la variété des produits et des techniques de cuisson.

Le savoir inné sur la cuisine bien-être n’existe pas : il faut tester, expérimenter sans cesse. C’est aussi cela, notre travail : modéliser cette recherche pour qu’elle soit enseignée et transmise.»

«Nous, à Pontivy, c’est plutôt le restaurant gastronomique bien-être», Thierry Galais, professeur de cuisine, Lycée hôtelier, Pontivy, (2/3).

Dans notre dernier entretien, nous donnions la parole à Thierry Galais, professeur de cuisine au lycée hôtelier Jeanne d’Arc Saint Ivy de Pontivy, pour qu’il nous présente la mention complémentaire « Art de la cuisine allégée« , dont il est responsable. Dans ce nouvel entretien, Thierry Galais nous parle d’un des formateurs qui l’a le plus influencé.

Thierry GalaisA gauche : Thierry Galais, à Brides-les-Bains.

« J’ai été très marqué par la rencontre de Patrick Burger, chef cuisinier à Quiberon, le premier chef à travailler dans un centre de thalassothérapie. Il m’a embauché parce que j’avais un parcours en restaurant gastronomique et que je n’aimais pas le beurre ! Il avait une manière de cuisinier qui me ressemblait, basée sur le respect des produits.

A cette époque, nous faisions un gros travail de recherche sur les bonnes manières de cuisiner les produits. Dès que nous prenions un légume, une viande ou un poisson, nous recherchions toute les manières de le cuire à l’instant et de maîtriser ces cuissons en analysant en particulier les sucs et les jus, véritables vecteurs de goût.

C’était il y a 30 ans. Il m’a montré qu’il y avait tout un travail à faire et à penser dans l’enseignement de la cuisine bien-être.

Les gens confondent souvent cuisine bien-être et diététique. En réalité, ce sont deux choses à part entière, et deux métiers différents. Je l’ai compris à l’époque, grâce à Patrick Burger.

C’est avec lui que j’ai commencé à faire des distinctions entre la cuisine basse calorie sans sucre, sans matière grasse, sans féculent, réalisée pour que les gens maigrissent comme à Brides-les-Bains, et la cuisine bien-être, où l’on travaille des sucres comme le fructose, et où l’intègre des céréales, des féculents, de l’huile d’olive, etc, comme dans les centres de thalassothérapie.

Aujourd’hui, à Lille par exemple, certaines des mentions complémentaires « Art de la cuisine allégée » se sont spécialisées dans une approche médicale, à destination des hôpitaux. Nous, à Pontivy, c’est plutôt le restaurant gastronomique bien-être.»

«Cette mention complémentaire oriente les jeunes cuisiniers vers des emplois en thalassothérapie, en cuisine santé et bien être», Thierry Galais, professeur de cuisine, Lycée hôtelier, Pontivy (1/3) .

Thierry Galais est professeur de cuisine au lycée hôtelier Jean d’Arc Saint Ivy à Pontivy, dans le Morbihan. Il y est aussi responsable de la mention complémentaire « Art de la cuisine allégée ». Avant de devenir enseignant, il a travaillé dix ans comme chef de cuisine, au château Locguenolé à Kervignac, au François Premier à Fontainebleau et dans des centres de thalassothérapie. Il a aussi fait partie de l’équipe qui a ouvert le Grand Hôtel de Bride-les-Bains, en 1987. Nous lui avons demandé de nous présenter la mention complémentaire dont il s’occupe et qu’il a mise en place à Pontivy.

Thierry GalaisA gauche : Thierry Galais, au festival de Brides-les-Bains

« Je suis revenu en Bretagne en 1989, où je voulais ouvrir mon restaurant pour proposer une cuisine très allégée, sans beurre ni crème. Mais à mon arrivée, j’ai revu le directeur du lycée hôtelier de Pontivy ; nous avons eu l’idée et le désir de mettre en place une mention complémentaire axée sur la cuisine diététique, destinée à orienter les jeunes cuisiniers vers des emplois en thalassothérapie et en cuisine santé et bien-être. Une première en France.

Nous avons travaillé sur la bonne connaissance des produits exhausteurs de goût, en mettant en place un module de 9h par semaine. Comme notre désir était de ne pas utiliser de produits dits « allégés », il fallait que nous donnions à nos élèves une parfaite connaissance des herbes aromatiques, épices, algues et produits laitiers, tout ce qui est nécessaire pour alléger et donner du relief à un plat.

Nous avons aussi réfléchi aux modes de cuisson, pour réduire au maximum les apports de matière grasse et travailler les techniques du sous-vide, de la plancha, des basses températures, de la cuisson vapeur en panier bambou, etc.

En 2002, avec des enseignants du lycée hôtelier de Biarritz, nous avons élaboré en croisant nos démarches un référentiel pour créer la mention complémentaire « Art de la cuisine  allégée ». Aujourd’hui nous sommes huit lycées en France à préparer cette mention complémentaire.

Cette mention s’adresse à des étudiants ayant au minimum un CAP de cuisine, mais nous recevons des titulaires de tous les niveaux de l’enseignement cuisine. Par exemple, Estelle Touzet, sommelière, a suivi notre formation pour parfaire sa connaissance des épices et des herbes aromatiques.

Cette formation comprend 17 semaines en cours au lycée et 3 stages de 5 semaines en centre de thalassothérapie, en Spa, en établissement médical ou en station thermale. Depuis quatre ans, nous partons aussi chaque année, faire un stage de 7 semaines au Vietnam pour avoir une meilleure connaissance des produits, aromates, épices et modes de cuisson asiatiques. Pour ce stage, nous travaillons avec le groupe Ressorts Six Sences, présent au Vietnam.

Une fois titulaires de cette mention complémentaire, les étudiants travaillent en général en France, dans des centres de thalassothérapie. Notre taux d’embauche avoisine les 100% et en général, ce sont nos élèves qui choisissent leur place.»

A suivre :
– « Nous, à Pontivy, c’est plutôt le restaurant gastronomique bien-être », Thierry Galais, professeur de cuisine, Lycée hôtelier, Pontivy (2/3)

–  «Nous devons faire disparaître le scepticisme sur la cuisine bien-être», Thierry Galais, professeur de cuisine, Pontivy (3/3)

« Une chose est déterminante dans la formation, c’est goûter », Olivier Belin, Auberge des Glazicks, Plomodiern (4/4).

Dernière rencontre avec Olivier Bellin, à la tête de l’Auberge des Glasicks, depuis 1997, aujourd’hui récompensé par 4 toques au guide Gault & Millau et de 2 étoiles aux guide Michelin : pour cet ultime rendez-vous, Olivier Bellin nous parle des jeunes qu’il forme au métier de cuisinier, avant d’insister sur un point de formation qui devrait être au cœur de leur enseignement.

Auberge des Glazicks

« A l’Auberge des Glasicks, je reçois de futurs cuisiniers qui sont parfois tout jeunes, 15/16 ans, c’est assez difficile pour eux, car ils arrivent avec un minimum de connaissance en cuisine. Les titulaires d’un diplôme de cuisine sont plus mûrs et apprennent plus vite.

Pourtant, paradoxalement, les gens les plus rapides dans l’apprentissage sont ceux qui ont fait des études qui n’avaient rien à voir avec la cuisine. Ceux qui ont basculé d’un enseignement général, littéraire ou scientifique, sont tout de suite prêts à apprendre et à emmagasiner ce qu’ils voient et ce qu’ils apprennent.

Mais quel que soit leur profil, je crois qu’il y a une chose vraiment déterminante dans la formation, c’est goûter, goûter souvent, goûter beaucoup. J’ai l’impression que les jeunes ne goûtent plus. Ce n’est pas parce que j’ai bien fait que c’est forcément bon : il faut goûter, planter sa cuillère dans la préparation pour savoir, sur la langue, ce qui s’est réellement passé pendant la préparation.

Il faut à tout prix enseigner cela aux jeunes. Ils doivent goûter pour savoir si c’est bon. Il faut tester ses préparations, car le seul maître-étalon valable, c’est notre capacité à sentir et à ressentir les goûts. Comme je vous le disais dans notre dernier entretien, Il faut avoir une mémoire éduquée aux goûts et à la cuisine. Un assaisonnement peut être perçu  différemment à chaque fois. Il est important d’étalonner ses perceptions par la pratique.

J’aimerais bien que ces notions soient enseignées. De la même manière, enseigner et faire connaître la culture culinaire, celle de la cuisine classique et celle de la cuisine des régions, c’est est indispensable pour s’inscrire dans un savoir en mouvement.»

A lire en complément :

« Jacques Thorel m’a beaucoup appris sur le Olivier Bellin en devenir», Olivier Bellin, nous raconte son parcours (1/4)

– « Cet enseignement nous fabriquait une mémoire du goût, indispensable pour un cuisinier», Olivier Bellin rend hommage à son professeur de cuisine, Monsieur Guillaume (2/4)

«Il faut aimer le métier, et aimer son métier c’est déjà le transmettre», Olivier Bellin nous parle de sa vision de la formation en cuisine (3/4).

«Il faut aimer le métier, et aimer son métier c’est déjà le transmettre», Olivier Bellin, Auberge des Glazicks, Plomodiern (3/4).

Lors de nos précédents entretiens, Olivier Bellin nous racontait son parcours : d’un côté, en évoquant les restaurants où il a pu affiner sa pratique de la cuisine, de l’autre en rendant hommage à son professeur de cuisine au lycée, Monsieur Guillaume.

Aujourd’hui à la tête de l’Auberge des Glasicks dans le Finistère, Olivier Bellin nous explique à présent ce qui est pour lui indispensable à enseigner aux jeunes qui veulent devenir cuisinier.

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« Je pense qu’il y ait deux choses importantes à enseigner, que ce soit avec les professeurs à l’école, ou en entreprise avec les maîtres d’apprentissage :

– D’abord, il faut aimer le métier, et aimer son métier c’est déjà le transmettre. A un peu plus de 40 ans, je suis peut-être aujourd’hui à la jonction entre nouvelle et ancienne cuisine. S’il faut être moderne, cela ne doit pas nous empêcher d’être nourris du passé. C’est ce qui fait mon plaisir à cuisiner – et ça, je peux le donner aux jeunes qui viennent dans mon restaurant.

– Ensuite, pour se former, je crois qu’un jeune en entreprise doit toucher énormément de produits et de matières. Il est là pour apprendre et apprendre, c’est tester. Il n’ y a que la pratique qui peut donner cela. Je crois à la formation parce qu’il y a des jeunes qui ont envie.

Il ne faut pas forcément se fier à ce que l’on voit quand on rencontre un jeune, chevelu, ébouriffé, un peu surfeur. Il peut très bien vous montrer une véritable passion pour travailler et apprendre à cuisiner. Je viens d’en rencontrer un comme ça. Je lui ai demandé de se couper les cheveux, parce qu’effectivement, moi même, j’ai appris à être bien rasé, à avoir les cheveux impeccables, les mains propres et à être bien habillé pour travailler. Eh bien, ce jeune s’est coupé les cheveux. Par ce geste, il m’a tout simplement montré qu’il avait une vraie envie, et qu’il était prêt à changer pour apprendre.

De mon côté, en retour, je dois faire attention à lui. Je dois tout faire pour lui montrer que j’aime mon métier avec passion, et lui donner la chance de voir, de toucher et de préparer les plus beaux produits, pour qu’il mémorise leurs parfums et leurs goûts.»

 

A suivre :

– « Une chose est déterminante dans la formation, c’est goûter », Olivier Bellin revient sur un point essentiel dans la formation des futurs cuisiniers (4/4).