Nous avons rencontré Emilie Schaffhauser, première année de BTS en alternance option B (arts de la table et du service) au lycée Storck. Elle est à l’heure actuelle en stage à l’Auberge de l’Ill à Illhaeusern. Elle nous fait partager son plaisir pour le métier de la salle, sa vision et ses attentes de sa formation. Tout au long de notre interview, Emilie a beaucoup ri, exprimant sa joie et sa passion pour son futur métier.
« Avant l’école hôtelière, j’ai fait une seconde générale. A cette époque, je ne savais pas trop ce que je voulais faire plus tard ; pour découvrir des métiers, j’ai fait de nombreux petits stages, histoire de voir. J’ai ainsi fait un stage à l’hôtel Bristol à Colmar. Cela a été un véritable déclic, tout m’a plu : l’atmosphère, la cohésion, l’entraide, le travail d’équipe… J’ai aussi découvert que tout seul, on ne peut rien faire dans le service. Le travail en salle vous apprend sur vous-même, et aujourd’hui je ne me vois pas faire autre chose. Bien sûr, les horaires sont parfois compliqués à vivre, mais ça me plaît quand-même.
J’ai d’abord fait un CAP en alternance en salle, puis un Bac Pro, car mes résultats me le permettaient.
Pour mon CAP, j’ai fait un stage dans un hôtel. C’était la première fois, c’était dur, exigeant, mais c’était chouette.
Pour mon Bac, je suis allée au Château de l’Ile. Là aussi, c’était assez difficile, notamment parce que il y avait trois sortes de restauration : les banquets, séminaires et repas d’entreprises ; le winstub et le restaurant gastronomique. Mais justement, découvrir et travailler dans ces différents types de restauration, c’est ce qui m’a aidé pour faire un choix.
Aujourd’hui je suis en BTS, toujours en alternance et toujours en salle, sauf que j’ai aussi des cours de cuisine. Je n’avais jamais réellement cuisiné avant d’arriver au lycée. Marie Gired, mon professeur de cuisine, m’aide énormément. Elle est toujours derrière moi et avec elle, je peux vraiment parler. Elle est toujours de bonne humeur, et ne dénigre jamais ses élèves ; au contraire, elle nous pousse toujours vers le haut et nous dit toujours ce que l’on peut améliorer. Elle est toujours là pour nous guider.
Pour mon BTS, c’est moi qui ai choisi de postuler à l’Auberge de l’Ill de monsieur Heaberlin. J’ai envoyé une lettre de motivation que j’ai faite toute seule et trois jours plus tard, j’avais un entretien avec madame Baumann. Tout s’est fait en une semaine. Et le service du samedi suivant, j’ai fait mon essai.
J’étais vraiment aux anges ; en plus, c’était le premier avril. Je doutais de ma capacité à travailler dans un restaurant trois étoiles, mais ça a marché. Je ne m’attendais pas à que monsieur Haeberlin soit si simple et accueillant. Il me demande toujours si ça va.
Je suis en stage à l’auberge de l’Ill depuis août dernier. Mon emploi du temps est simple : école le lundi, le mardi et le mercredi matin ; je suis en congé le jeudi et vendredi midi ; enfin, je travaille à l’auberge le vendredi soir à partir de 18h45, jusqu’au dimanche 18H.
Le service, c’est rigoureux et très organisé. La communication avec le chef de rang ou le maître d’hôtel est indispensable. Il faut être aimable et très attentif aux besoins des clients et des collègues.
Au garde-manger et en pâtisserie, nous goûtons tout. Ça tombe bien, je suis très gourmande ! Mais c’est vrai, que j’aimerais pouvoir goûter le chaud plus souvent. Car bien connaître les plats, c’est ce qui permet de mieux en parler.
Mon rêve avant, c’était de voyager, mais aujourd’hui c’est peut-être de rester chez Haeberlin. Non, en fait c’est voyager et après revenir, ça c’est mon rêve. D’abord l’Angleterre, puis les Etats-Unis pour bien apprendre la langue, car c’est primordial dans notre métier. Et puis, là où le vent m’emmènera.
Mes parents ont tout fait pour me dissuader de faire ce métier (ma tante et ma cousine ont fait ce métier). Ils m’ont souvent répété que les horaires sont compliqués et que je n’aurais pas de vie de famille. Mais moi, je trouve que ce n’est jamais la même chose dans le travail, et je m’épanouis car je ne sais jamais de quoi ma journée sera faite. Ce sont des sensations toujours nouvelles.»
Nous avons aussi interviewé Marie Gired, la professeur que semble particulièrement apprécier Emilie :
«J’ai toujours été professeur de cuisine. J’ai d’abord fait un an comme prof stagiaire à Toulouse avant d’arriver au lycée Storck en 2003. Pour moi, apprendre des techniques de cuisine, ce n’est pas le coeur de mon métier. Je pense très sincèrement que je dois enseigner un savoir-être, un savoir-vivre, qui permettent de comprendre le respect du produit et le respect du travail en équipe comme de celui qui va manger. Ce qui me passionne, c’est le rapport avec les élèves (ndlr. elle dit plutôt « les gamins » ou « les loulous »). J’ai une vraie passion pour la cuisine et les gamins. J’ai plein de gamins qui n’aiment pas la cuisine, mais il y a un truc qui se passe : le plaisir. Je garde des contacts au minimum avec 3 à 4 élèves à chaque promo. Un petit mail, un petit coup de fil, certains, sont même devenus des amis.
Je demande beaucoup aux jeunes : ils doivent être ponctuels, propres, respectueux, polis, très soigneux, curieux … Et en échange, j’essaie de leur faire comprendre ce goût du travail et de l’effort. Je veux leur faire acquérir la fierté de bien faire.
Avec Emilie, nous avons fait des tartes de pâte sablée garnies de crème pâtissière et de fruits. Emilie m’a fait un truc très moyen. En fait, elle n’avait jamais fait de pâte sablée, ni de crème pâtissière. J’avais deux solutions : lui dire « Emilie tu es nulle », sachant que j’avais fait des démonstrations avant ; ou essayer de comprendre avec elle pourquoi le résultat était si moyen. Emilie peut avoir des problèmes de confiance en elle qui se traduisent par des erreurs. Toute seule, elle a refait cette tarte à la maison, et elle l’a réussie. J’avais pris le temps de lui expliquer tous les détails techniques et de lui dire qu’il n’y avait aucune raison qu’elle n’y arrive pas.
Je prépare à tous les métiers de la restauration. Mais aujourd’hui, c’est compliqué. Les médias valorisent la cuisine gastronomique, que nous aimons tous, bien-sûr, et qui nous passionne ; mais cela dévalorise tout ce qu’il y a autour : les autres cuisines, familiale ou collective, cuisine de terroir, cuisine traditionnelle, toutes ces pratiques sont très peu valorisées. Et le service est réduit à l’image des porteurs d’assiettes…
Les élèves de seconde arrivent souvent en me disant : «Moi, je veux faire Top Chef». Je suis obligée de leur expliquer qu’avant, il faut maîtriser toutes les techniques de base. Ces émissions sont formidables parce qu’elles valorisent notre métier. Mais la cuisine n’est pas que gastronomique. Et un cuisinier sans maître d’hôtel n’est rien. Un restaurant, c’est une globalité.
J’ai la chance de faire un métier où mes élèves ont presque toujours le sourire pour venir en cours. Il y en a toujours un qui s’est trompé de voie, mais les autres sont tous motivés. Et mon rôle, c’est de leur donner les armes pour pouvoir s’épanouir dans leurs choix professionnels. »