« Il existe une formation propre à notre boulot», Damien Schmitz, Our Kebab Chic, Paris.

Damien Schmitz a créé la marque Our en 2009, en référence à la capitale de la Mésopotamie il y a 5000 ans, et à « notre Kebab » en anglais. Après avoir ouvert «Our Kebab Chic» à Paris, avec un bail précaire de six mois au Forum des Halles, il vient de s’installer dans le quartier de la gare Saint Lazare. Vivre la Restauration a souhaité en savoir plus sur son parcours, son concept de restauration rapide de qualité, et sur ses attentes en matière de formation en hôtellerie-restauration.

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« Après mes études en école de commerce, je me suis engagé dans la Marine Nationale, et j’ai eu la chance de voyager dans les pays du Kebab, le Liban, la Tunisie, la Jordanie, l’Egypte,… Ma passion pour la cuisine m’a permis de découvrir avec curiosité ce plat emblématique du bassin méditerranéen. A la fin de mon contrat avec l’armée, à mon retour à Paris, je suis rentré dans le moule de ma formation. J’ai travaillé dans une tour à la Défense, en costume-cravate. J’ai continué à manger des kebabs, à la recherche de ce que j’avais goûté lors de mes voyages. Malheureusement, ceux que je mangeais n’étaient jamais bons. J’ai découvert que le kebab n’était plus un produit ethnique et communautaire mais qu’il était cantonné dans le meilleur rapport calorie-prix, et que sa qualité en pâtissait fortement. C’est là que m’est venue l’idée de faire du bon kebab, en remettant la qualité des produits à la base de la cuisine.

Mon but, c’est de toucher un public qui mange peu de kebab mais qui est intéressé par la qualité. Manger un kebab, c’est une sorte de rite de passage, entre l’enfance et l’adolescence. Après avoir quitté l’enfance, qui apprécie surtout le mou et le sucré du hamburger, l’adolescence aspire à quelque chose de plus salé, avec plus consistance. C’est la place du kebab. D’ailleurs, j’ai pu constater que la gamme de kebabs que nous proposons touche des tranches d’âge différents suivant la complexité gustative du sandwich. Les clients plus âgés consomment facilement le «Détour» (pain croustillant, agneau, fromage en saumure et légumes grillés) ; les plus jeunes optent pour des produits plus simples, plus doux. On vient ici quelque soit sa classe sociale, jeunes et  adultes viennent au kebab pour des raisons économiques et/ou religieuse. Certains adultes mangent aussi du kebab pour s’encanailler.

Je ne suis pas un restaurant kebab bobo, tout simplement parce que mon kebab est halal, qu’il coûte 6 euros avec un menu étudiant, et que je suis installé à Saint Lazare, quartier populaire par définition. Je ne concurrence pas les kebabs du quartier avec qui je suis en très bon terme. Je crois que je concurrence bien plus la restauration classique, celle qui ne travaille pas des produits frais, et qui coûte pourtant 20 euros le repas.

Nous sommes un vrai restaurant, et il est évident qu’avec un cuisinier formé, comme Johnny, capable de lever des suprêmes d’agrumes comme un pro, c’est plus facile. Mais il est aussi vrai qu’il existe une formation propre à notre boulot. Par exemple, nous marinons nos viandes sous-vide, nous sommes les seuls à le faire et il faut apprendre cette technique pour travailler chez nous. Un cuisinier de kebab a tout un corpus de gestes et de pratiques à apprendre qui ne sont pas enseignés à l’école. Johnny a mis un mois à faire de belles broches pour kebab (mélange veau-dinde et boeuf-agneau, montés maison, tous les jours, ndlr). Ce montage détermine le moelleux et le grillé. C’est un geste important, la broche doit être bien équilibrée. Johnny, c’est parce qu’il aime apprendre qu’aujourd’hui il prend les rennes de la cuisine du Kebab Chic.

Je n’oublie pas que j’ai fait une école de commerce, et la règle des trois tiers n’est pas si mal que ça : un tiers pour les actionnaires (qui peuvent les salariés eux-mêmes), un tiers pour l’équipe et un tiers pour la boîte, afin investir et se développer. A l’heure actuelle je suis économiquement à l’équilibre mais je suis obligé de travailler à côté pour vivre. J’aime cette idée du Kebab Chic et je suis sûr que ça va marcher. J’espère aussi que le Kebab Chic est une idée de chic type.»

« Un fast-food peut être bon, s’il est réalisé avec des produits frais », Johnny Cabarubias, chef du Kebab Chic, Paris.

Johnny Cabarubias est un jeune philippin. C’est en obtenant un CAP en cuisine qu’il a décidé de construire sa vie en France. Il vient de reprendre les cuisines du Our, Le Kebab Chic, 41 rue de Londres, Paris 8ème.

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«Cela fait six ans que je suis en France. Je suis venu rejoindre mon grand frère et ma famille il y a 6 ans. J’ai préparé un CAP cuisine à Noisiel-Ville-Sec. C’était dur, car je ne parlais pas français, je suis passé par le collège et le lycée avant de m’orienter en CAP. C’est suite à un stage-découverte en entreprise que j’ai choisi de faire de la cuisine. D’ailleurs, aujourd’hui, chez moi, c’est moi qui je fais la cuisine le soir. J’adore ça ! En extra, j’étais réceptionniste dans un hôtel à Paris. Puis, j’ai trouvé une place chez Subway. C’était assez bien, mais je n’apprenais pas grand-chose, notre travail se limitant à ouvrir des sacs. Et la cuisine, pour moi, ce n’est évidemment pas que du surgelé.

Ma mère connaissait Damien Schmitz, le patron du Kebab Chic, ce qui m’a permis de venir dans ce restaurant pour voir si je pouvais y travailler. Les Kebabs que nous faisons sont vraiment bons, et surtout nous faisons de la cuisine avec des produits frais. En fait, un fast-food peut être bon, s’il est réalisé avec des produits frais. J’ai commencé au mois de mars dernier. Le chef, Deniz Uztopal, doit partir et Damien m’a proposé de le remplacer. Désormais, c’est moi qui vais gérer la cuisine du restaurant.

Au Subway je faisais 30h par semaine ; au Kebab Chic, je fais 35h réelles. Je suis donc mieux payé. Et je suis fier de la cuisine que nous servons tous les jours. »

« L’apprentissage est le moyen de faire un homme libre», Thierry Marx, Sur Mesure, Paris.

Thierry Marx est aujourd’hui à la tête du Sur Mesure au Mandarin Oriental à Paris. Il est aussi connu du grand public pour sa participation à l’émission «Top Chef» sur M6. Il a créé  en collaboration avec la mairie du vingtième arrondissement à Paris un centre de formation aux métiers de la restauration, « Cuisine mode d’emploi(s) » et un atelier de cuisine nomade à Blanquefort dans la banlieue de Bordeaux. Vivrelarestauration lui a demandé de nous parler de la formation en hôtellerie-restauration.

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«J’ai commencé en pâtisserie chez les Compagnons du Devoir. J’ai fait mon tour de France. Chez les compagnons, nous préparons un CAP avec, bien sûr, passage en CFA et sanction de l’examen, mais chacun doit avoir travaillé dans sept villes pour rencontrer différents employeurs. Un compagnon en formation passe par différents niveaux : sociétaire, aspirant et compagnon. Il conclut son parcours par la présentation d’un chef d’oeuvre. Pour moi qui sortait d’un quartier assez difficile, j’y ai trouvé un cadre sérieux et épanouissant. Dans le compagnonnage, la transmission se fait plus d’homme à homme que par les livres.

Ensuite, j’ai ressenti un besoin de culture générale. J’ai donc préparé le certificat des collèges au lycée Hélène Boucher, dans le 20ème arrondissement de Paris. Ensuite, j’ai  étudié au cours du soir pour avoir mon bac, que j’ai passé à 24 ans. Je crois d’ailleurs que la culture générale et l’apprentissage de fondamentaux sont indispensables à une éducation de base.

Dans nos métiers de l’hôtellerie-restauration, je pense qu’aujourd’hui les enseignants n’ont pas le niveau pour enseigner. Ils enseignent ce qu’ils ont imaginé et non pas ce qu’ils ont vécu. Le problème, c’est que tout le monde, professionnels, enseignants, responsables des filières est campé sur un quand-à-soit qui les empêche de croiser leurs regards et surtout de mettre le doigt sur les vrais problèmes. Ce qui était légitime il y a 50 ans l’est-il toujours aujourd’hui ? Est-ce que 2 ans, ce n’est pas trop long pour apprendre les bases du métier ? Personnellement, je pense que c’est beaucoup trop long. Est-il honnête qu’un apprenti soit payé environ 400 euros par mois ? Ce genre de salaire n’est pas suffisant pour s’extraire de sa condition sociale, si les parents ne sont pas derrière économiquement. L’apprentissage est le moyen de faire un homme libre et non un homme fabriqué pour les attentes des grands groupes.

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«Nous avons créé un concept très inspiré de nos voyages en Allemagne», Gerhard Weber, créateur de Stube, Paris

Avec sa femme, Sylvie, Gerhard Weber a créé un concept de restauration rapide  allemande, le Stube, qui compte déjà trois adresses à Paris. Nous avons souhaité le rencontrer pour en savoir plus sur son parcours et sur ce concept de snacking de qualité, utilisant  exclusivement des produits frais pour offrir aux clients les toutes saveurs de la tradition allemande.

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«Je suis né boulanger. Ma première formation, je l’ai reçue au fournil de mon père à Sachsenberg. Pour continuer dans cette voie, j’ai fait une formation en alternance chez un confrère de mon père, dans la ville de Korbach. C’était une boulangerie très petits pains, comme il y en a beaucoup en Allemagne. Ce fut une expérience passionnante, mais une formation à la dure, à l’allemande. Ensuite, je suis parti vivre à Bonn, où j’ai travaillé dans une très belle boulangerie, sur la place du marché Muller-Langhard. Cette boulangerie, dans la plus pure tradition allemande, existe toujours.

J’ai continué en travaillant un peu à droite et à gauche ; la dernière étape importante de mon apprentissage, je l’ai passée dans la pâtisserie Bittner à Dusseldorf. C’était une très grande pâtisserie, vieille de plusieurs générations, avec une production à échelle semi-industrielle, tout en n’utilisant que des recettes artisanales. Tout était naturel et frais du jour. J’ai ainsi découvert comment des moyens techniques, des process de fabrication modernes, pouvaient permettre de sortir de très gros volumes, sans émulsifiants ni surgélation.

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« Au début, c’était dur, physiquement d’abord «, Geoffrey Hebert, CAP, Relais Saint Germain, Paris.

A quinze ans, Geoffrey Hebert est en première année de CAP cuisine au l’Ecole de Paris des Métiers de la Table, du Tourisme et l’Hôtellerie. Fils de cuisinier, c’est en classe de troisième qu’il a décidé de s’inscrire dans une formation cuisine en alternance. Nous l’avons rencontré pendant son stage chez Yves Camdeborde, au Relais Saint Germain. C’est ce dernier qui nous a recommandé de l’interviewer, pour son allant et sa grande envie d’apprendre, derrière un côté tout jeune garcçon.

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«J’ai eu le numéro de Yves Camdeborde par le patron de mon père. Je lui ai téléphoné et je lui ai demandé s’il prenait des apprentis. Nous avons pris rendez-vous et ça a marché. L’ambiance ici est sympa mais c’est dur. Il y a beaucoup de travail, tout simplement parce qu’il y a beaucoup de clients et que le rythme en cuisine est très soutenu. Je travaille de 8h à 17h, du lundi au vendredi.

Au début, c’était dur, physiquement d’abord, mais tout le monde arrive à s’habituer assez rapidement. Parfois, la cuisine, ça peut aussi être dur moralement, surtout quand le chef crie en cuisine, mais aujourd’hui ça ne me fait plus peur. On s’habitue aussi.

J’aimerai bien pouvoir discuter un peu avec le chef, lui poser des questions, lui demander pourquoi parfois ici ça crie, ou comment il met en place une carte ou des plats (nous avons fait passer le message ndlr).

Le chef est présent tous les jours, ce qui est très important. Personnellement, ce que j’attends d’un maître de stage, c’est qu’il m’explique le travail, qu’il me donne accès à la réalité et à la pratique du métier de cuisinier.

Ce que le chef fait à la télé, je trouve ça bien, mais je ne regarde pas ça très souvent. Je ne suis pas un fan.

Après mon CAP, je voudrais pouvoir continuer vers un Bac Professionnel Cuisine avec une mention complémentaire pâtisserie.

Ensuite, j’aimerais bien plus tard avoir mon propre restaurant et faire une cuisine un peu comme au Relais Saint Germain – le soir, des menus de cuisine assez créative ou du moins assez gastronomique.

Moi, ce que j’aime, c’est faire partager aux gens ce que je cuisine. Tous les dimanche avec mon père, c’est nous qui faisons à déjeuner. C’est un peu moi qui choisit à partir de mon livre de recette, La cuisine de référence, et mon père m’aide à réaliser ce que je choisis. »