«Ce n’est pas seulement le geste qu’il faut enseigner, mais bien le pourquoi du geste », Nicolas Magie, chef de cuisine, hôtel Saint-James, Bouliac (2/3).

Dans notre précédent entretien, nous donnions la parole à Nicolas Magie pour qu’il nous parle de sa formation. Chef de cuisine de l’hôtel Saint James à Bouliac, sur les premiers coteaux de Bordeaux, passé par les cuisines du Miramar à Biarritz et par celles du Crillon à Paris, sa cuisine est aujourd’hui récompensée par une étoile au guide Michelin.

Nicolas Magie reçoit tout au long de l’année des stagiaires dans les cuisines des différents restaurants du Saint-James. Pour ce deuxième entretien, nous lui avons demandé comment il abordait la transmission auprès de ces jeunes.

 Hotel STJ Portrait NM 5 -DroitsHervé Lefébvre

« Prendre en charge un jeune en cuisine, c’est exactement comme pour toute éducation en général : les individus sont divers et les manières de les aborder sont très variables. Il faut s’adapter à la personnalité de chacun.

Pour moi, la première attitude à avoir, c’est avant tout de ne jamais crier, de ne surtout pas instaurer une relation conflictuelle. Il faut expliquer, une fois, deux fois, voire trois, pour permettre à l’apprenti, au jeune en formation, qui est juste là pour apprendre, d’assimiler son futur métier. Et ce n’est pas seulement le geste qu’il faut enseigner, mais bien le pourquoi du geste et la réalité du produit et de sa saison.

Une des choses qui me semble de plus en plus importante à transmettre, c’est de bien expliquer la valeur des produits travaillés. Il n’est pas toujours évident d’expliquer à un apprenti, qui a en tête plein de présupposés, qu’un magnifique pied cochon, qu’un maquereau extra-frais, ont autant de valeur que du caviar. Et ces produits doivent être travaillés avec précision et respect.

Nous, formateurs en entreprise, nous percevons très vite comment l’apprenti ou le stagiaire que nous accueillons réagit à ce que nous lui donnons à faire et à réfléchir. Certains ont besoin de voir, d’autres ont besoin de faire ou d’autres encore sont rassurés de passer par l’écriture et par la lecture. Le formateur, s’il veut être compris, a besoin de très vite prendre en compte comment le jeune en formation assimile et par quelle méthode.

De la même manière, certains ont besoin d’être poussés, d’être retenus, encouragés, ou encore préservés, il faut à tout prix s’adapter à ce qu’ils sont et à leur caractère, pour leur permettre d’être le meilleur possible sur le chemin de l’apprentissage du métier.»

A suivre :

– « L’apprenti n’est pas là pour boucher les trous », Nicolas Magie nous explique comment il conçoit l’apprentissage et pourquoi il a décidé de n’accueillir que des stagiaires au Saint James (3/3).

«Tu apprends le métier, mais tu l’apprends de force», Fabien Lefebvre, MOF, restaurant l’Octopus, Beziers (2/3).

Dans notre dernier article, nous vous proposions de découvrir le premier volet du parcours de Fabien Lefebvre. Après sa formation à l’école, il nous parle aujourd’hui de ses expériences professionnelles, et des rencontres qui l’ont amené à ouvrir son propre restaurant en 2005,  l’Octopus, à Béziers.

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« Après mon expérience dans le groupe Accord, je suis revenu en cuisine : j’ai intégré le Château de Lignan à Lignan-sur-Orb (à 7 km de Béziers) avec un chef qui est un peu poète, Robert Abraham. J’y ai travaillé des produits que je n’ai plus jamais travaillés depuis, comme le pélargonium, et aussi beaucoup d’épices. Je suis resté un an.

Ensuite, je suis entré au Clos de la Violette, à Aix en Provence, qui avait une étoile. Je suis chef de partie saucier. Le restaurant était dirigé par un très bon chef de cuisine provençale, j’en garde un bon souvenir. C’est là que l’on m’a proposé une place de chef au San Pedro, à St Raphaël. J’y ai passé un an. A l’issu de cette année, j’ai intégré une très belle maison de l’époque, le Juana, où Christian Morisset avait deux étoiles. Là aussi, j’ai été chef de partie saucier. Une expérience très dure, avec beaucoup de travail et de tension. Monsieur Morisset est un très bon formateur : il t’apprend à travailler et te donne accès à une très grande diversité de techniques. Tu apprends le métier, mais tu l’apprends de force. Je crois qu’à côté, la Légion Etrangère, c’est un peu les vacances ! Pourtant, il faut aussi avouer que le cuisinier qui sort de là est affuté de chez affuté… Quand je suis parti du Juana, sur trois CV envoyés, les trois ont été acceptés, preuve que les personnels qui sortaient de cette maison avaient la cote.

De là, je suis parti au Crillon. Malheureusement, Christian Constant, avec qui je voulais travailler, était sur le départ – je l’ai appris sur place. Avec un chef qui part et un autre qui arrive, l’ambiance n’était pas au top, surtout entre les deux chefs. Je suis resté à peine un mois, avant de repartir pour rejoindre l’ancien second du Juana à Baulieu-sur-mer, Jérôme Coustillas. Il travaille aujourd’hui en Russie. Nous avons plutôt fait du bon travail pendant un an, mais là encore c’était un peu dur.

C’est à cette époque que je rencontre Alain Ducasse à Monaco. Après un long un entretien, il me pousse à aller à Paris, car il trouve que mon CV est très typé sud, Midi. Selon lui, je dois absolument compléter ma formation dans de grandes maisons parisiennes. Je pars donc faire un court séjour dans un restaurant parisien de monsieur Ducasse. Au bout de trois jours, je rencontre un ami qui me conseille d’aller au Bristol. C’est ainsi que Michel Del Burgo m’embauche en janvier 1998 comme chef de partie aux légumes. Je vais passer presque deux ans avec lui.»

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Prochaine publication :
– « C’est l’humilité qui doit diriger le travail » : Fabien Lefebvre revient sur ses années au Bristol avec Eric Fréchon et l’obtention du titre de MOF avant l’ouverture de l’Octopus (3/3).

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